Accueil > Matériaux pour une histoire de l’ethnologie urbaine et de l’UPR34 CNRS (...) > 2005.10.14. Bibliothèque du LAU

2005.10.14. Bibliothèque du LAU

extrait d’une feuille volante (octobre 2005), mis en ligne le 4 avril 20010, jour des Pâques catholique

lundi 1er avril 2019, par Eliane Daphy

Et plusieurs fois par jour, débarquent dans la bibliothèque du LAU où se trouve mon poste de travail des collègues furieux, parce que les bouquins qu’ils ont commandé ne sont pas disponibles. Le livreur livre à la secrétaire, et entre son bureau et le mien (une cloison), les ouvrages disparaissent, et ne sont pas livrés à la bibliothèque pour que je puisse les enregistrer dans le catalogue et les mettre à disposition pour l’emprunt. Bien sûr, les emprunteurs sont anonymes. Il arrive de plus en plus souvent que j’envoie ballader les réclamateurs : « pas ma faute, pas mon problème, ouvrages arrivés et pas livrés à la bibliothèque, voir avec le directeur et la secrétaire ». Les collègues vont se plaindre au directeur ; celui-ci m’engueule publiquement dans les assemblées générales mensuelles : « bibliothèque mal tenue, collègues légitiment mécontents, et, inacceptable, propos de tonalité désagréable envers les collègues auxquels je dois respect de part mon statut hiérarchique ». Ma proposition rédigée d’un règlement intérieur de la bibliothèque (début 2004), à faire approuver en assemblée générale, reste sans suite sur le bureau de mon supérieur hiérarchique. Quand j’affiche les listes avec les emprunteurs longue durée (nominatives) et les listes d’emprunts anonymes, je me fais traiter de flic et de stalinienne. Je m’enfonce dans la déprime noire, j’ai beau faire du yoga aux heures des repas plusieurs fois par semaines, aller plusieurs fois par semaine à la piscine avec ma fille, marcher deux stations de RER pour aller au boulot, avoir réussi mon sevrage tabagique, je n’arrive plus à dormir, j’ai peur d’aller au travail. Les collègues du laboratoire voisin avec qui je partage mes cantines rigolent de mes aventures, qu’est-ce que c’est rigolo une collègue qui subit un harcèlement moral dans son labo et arrive encore à le raconter avec humour, vraiment, quelle rigolade ; mon amie de SLR s’inquiète de la dégradation de mon état. Je plonge. Les services de la DRH disent qu’ils ne peuvent rien faire, cela concerne l’organisation interne du laboratoire. Le médecin du travail écrit dans un rapport que je suis en conflit avec l’ensemble des membres de mon laboratoire, que j’ai des problèmes psychologiques, que je suis caractérielle. Je ne vois pas d’issue aux problèmes de la bibliothèque : les documents disparaissent, je reconstitue les archives du laboratoire (en photocopiant les documents conservés dans mes archives personnelles, en demandant des duplicatas au fondateur, qui la première fois me les envoie gentiment, et la deuxième, me fait remarquer qu’il me les as déjà envoyés). Je photocopie les documents, j’en conserve un exemplaire chez moi, je passe mon temps à refaire des photocopies. Les archives disparaissent au fur et à mesure, je ne comprends pas pourquoi, je passe des heures chez mon psychanalyse à me demander pourquoi existe une telle volonté collective de destruction des archives, qui peut bien voler les documents, dans les placards de la bibliothèque qui ne ferment pas à clef. « La réponse est dans les documents, me répond mon psychanalyste, vous êtes historienne de formation, vous êtes capables d’en faire une analyse », mais quelque chose en moi refuse de comprendre les raisons de ces disparitions. L’angoisse devient permanente, je n’arrive pas à penser ou parler d’autres choses, je m’isole. Car plusieurs fois par jour, débarquent dans la bibliothèque du LAU où se trouve mon poste de travail des collègues furieux, ils débarquent même désormais dans mes rêves.

Bibliothèque du LAU UPR34 CNRS ocotbre 2005

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)